Voici une nouvelle rubrique du
vendredi ou je vais essayer de mettre les belles lignes qui ont décrit l'escrime. Il
m'était impossible de ne pas commencer par le bourgeois gentilhomme.
cène II
MAÎTRE D'ARMES, MAÎTRE DE MUSIQUE, MAÎTRE à DANSER, MONSIEUR JOURDAIN, DEUX LAQUAIS.
MAÎTRE D'ARMES, après lui avoir mis le fleuret à la main: Allons, Monsieur, la révérence.
Votre corps droit. Un peu penché sur la cuisse gauche. Les jambes point tant écartées. Vos pieds sur une
même ligne. Votre poignet à l'opposite de votre hanche. La pointe de votre épée vis-à-vis de votre épaule. Le bras pas tout à fait si étendu. La main gauche à la hauteur de l'œil. L'épaule gauche
plus quartée. La tête droite. Le regard assuré. Avancez! Le corps ferme. Touchez-moi l'épée de quarte, et achevez de même! Une, deux. Remettez-vous! Redoublez de pied ferme! Une, deux. Un saut en
arrière. Quand vous portez la botte, Monsieur, il faut que l'épée parte la première, et que le corps soit bien effacé. Une, deux. Allons, touchez-moi l'épée de tierce, et achevez de même. Avancez.
Le corps ferme. Avancez. Partez de là. Une, deux. Remettez-vous. Redoublez. Une, deux. Un saut en arrière. En garde, Monsieur, en garde.
Le Maître d'armes lui pousse deux ou trois bottes, en lui disant: "En garde" .
MONSIEUR JOURDAIN: Euh?
MAÎTRE DE MUSIQUE: Vous faites des merveilles.
MAÎTRE D'ARMES:
Je vous l'ai déjà dit, tout le secret des armes ne consiste qu'en deux choses, à donner, et à ne point recevoir; et comme je vous fis voir l'autre jour par raison démonstrative,
il est impossible que vous receviez, si vous savez détourner l'épée de votre ennemi de la ligne de votre corps: ce qui ne dépend seulement que d'un petit mouvement du poignet ou en dedans, ou en
dehors.
MONSIEUR JOURDAIN: De cette façon donc, un homme, sans avoir du cœur, est sûr de tuer son homme, et de n'être point tué.
MAÎTRE D'ARMES: Sans doute. N'en vîtes-vous pas la démonstration?
MONSIEUR JOURDAIN: Oui.
MAÎTRE D'ARMES: Et c'est en quoi l'on voit de quelle considération nous autres nous devons être dans un état, et combien la science des armes l'emporte hautement sur toutes les autres sciences
inutiles, comme la danse, la musique, la.
MAÎTRE à DANSER: Tout beau, Monsieur le tireur d'armes: ne parlez de la danse qu'avec respect.
MAÎTRE DE MUSIQUE: Apprenez, je vous prie, à mieux traiter l'excellence de la musique.
MAÎTRE D'ARMES: Vous êtes de plaisantes gens, de vouloir comparer vos sciences à la mienne!
MAÎTRE DE MUSIQUE: Voyez un peu l'homme d'importance!
MAÎTRE à DANSER: Voilà un plaisant animal, avec son plastron!
MAÎTRE D'ARMES: Mon petit maître à danser, je vous ferais danser comme il faut. Et vous, mon petit musicien, je vous ferais chanter de la belle manière.
MAÎTRE à DANSER: Monsieur le batteur de fer, je vous apprendrai votre métier.
MONSIEUR JOURDAIN, au Maître à danser: ètes-vous fou de l'aller quereller, l
ui qui entend la tierce et la quarte, et qui sait tuer un homme par raison démonstrative?
MAÎTRE à DANSER: Je me moque de sa raison démonstrative, et de sa tierce et de sa quarte.
MONSIEUR JOURDAIN: Tout doux, vous dis-je.
MAÎTRE D'ARMES: Comment? petit impertinent.
MONSIEUR JOURDAIN: Eh! mon Maître d'armes!
MAÎTRE à DANSER: Comment? grand cheval de carrosse.
MONSIEUR JOURDAIN: Eh! mon Maître à danser.
MAÎTRE D'ARMES: Si je me jette sur vous.
Didier et moi, avons eu la chance d'interprêter cette scène en juin 2008 avec Patrice VION au théâtre Cyrano de Bergerac de Sannois, que du plaisir